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Le pays se trouve à un tournant

La victoire militaire contre Mohamed Bacar qui incarnait le séparatisme à Ndzuani, a enclenché une nouvelle dynamique. Dynamique positive appréciable au renouveau du patriotisme comorien. L’amour du pays est redevenu une valeur comme l’illustre le slogan des casquettes distribuées le 25 avril dernier : « fier d’être comorien ». Rappelons-nous la situation d’il y a à peine deux mois où c’est la dislocation du pays qui se profilait, où comorien paraissait une damnation de Dieu, où .... Malheureusement rien n’indique que le tournant sera opéré, au contraire, les nuages s’amoncellent ! Loin de prendre de la hauteur pour s’attaquer aux problèmes cruciaux de l’heure en s’appuyant sur le soutien populaire massif, le pouvoir semble grisé par l’euphorie de la victoire, multiplie les célébrations et distribue des médailles. Les thuriféraires de Sambi ne sont préoccupés que de pouvoir. Et l’on retombe dans les dérives politiciennes connues qui tournent la plupart du temps sur la modification de la Constitution quand ce n’est pas la rédaction d’une autre, sur mesures. N’a-t-on pas déjà annoncé une table ronde ?
Reste à savoir quelle sera l’attitude de Sambi qui semble animé par une volonté sincère de sortir le pays du gouffre dans lequel il l’a trouvé. Le Président de l’Union saura-t-il faire face aux forces obscures de l’intérieur et de l’extérieur qui agissent pour torpiller la victoire de mars 2008 et maintenir le pays dans la misère et donc dans l’instabilité, toujours sous la menace de la balkanisation ? Nous le verrons dans les jours à venir à travers le traitement des questions suivantes : le séparatisme, les relations avec la France, la situation économique et la modification de la Constitution, des questions fondamentales qui décideront du devenir du pays et sur lesquelles tous les avis seraient les bienvenus pour contribuer à l’élaboration par les dirigeants du pays de positions conséquentes au service du pays et du peuple.

Le séparatisme.
L’effondrement sans coup férir du pouvoir de Mohamed Bacar, un pouvoir présenté comme inexpugnable avec sa force de gendarmerie de huit cent hommes ouvre la possibilité de porter un coup fatal au séparatisme. Mais comment y parvenir si la situation à Ndzuani est considérée comme normale, susceptible d’être traitée avec les dispositions de la loi fondamentale de l’Ile sur les transitions ? Mais comment y parvenir si Fundi Abdala Ibrahim et Abeid ne sont nullement inquiétés ? Mais comment y parvenir si on ne procède pas à une analyse fine des responsabilités des principaux dirigeants des pouvoirs séparatistes qui se sont succédés à Ndzuani ? Mais comment y parvenir si d’anciens séparatistes convaincus se délectent dans les allées du pouvoir de l’Union ? Il faut libérer de toute urgence les simples gens arrêtés depuis mars, traiter avec équité la situation de tous ceux qui à un titre ou un autre, ont servi en toute conscience les pouvoirs séparatistes qui se sont succédés à Ndzuani depuis 1997. Il faut trouver les moyens d’un débat national sur le séparatisme pour permettre à ceux qui doivent seulement se repentir publiquement de se laver de l’opprobre séparatiste et aux autres d’être jugés. Il faut un vrai mouvement de réconciliation nationale. Il faudra un arsenal juridique percutant contre le séparatisme. Si le pouvoir continue comme si de rien n’était, le mal séparatiste sera intact, juste une période de sommeil et des lendemains autrement plus douloureux risquent d’endeuiller encore notre pays. Il faudrait s’inspirer de l’expérience sud africaine et créer un haut comité de réconciliation qui rassemblerait des personnalités reconnues pour leur droiture.

La France.
Les relations avec la France peuvent changer dans un sens favorable au pays. Jusqu’au débarquement et particulièrement l’exfiltration de Mohamed Bacar vers Maore et la Réunion, le pays semblait complètement désarmé, obligé d’avaler couleuvres sur couleuvres. Des souvenirs douloureux comme ce vain voyage officiel à Maore destiné à amener la France à appliquer les sanctions de l’Union Africaine contre les personnalités séparatistes, « l’accord du rocher » n’a pas empêché la France de transformer Maore en issue de secours des séparatistes, auteurs de crimes innommables contre la population comorienne. Des souvenirs honteux comme la signature fin 2006 du capitulard document cadre de coopération entre le ministre comorien Jaffar et la ministre française Girardin, document dont nombre de dispositions présupposaient une acceptation implicite de l’appartenance de Mayotte à la France. Eh bien aujourd’hui, les choses ont changé, la population a pris la mesure de la politique inamicale de la France envers les Comores, la non acceptation des expulsions des « clandestins » met la France le dos au mur. Face aux menaces, parfois grotesques comme celle du ministre français de l’outre-mer Jego, quelle va être l’attitude du gouvernement comorien. Capitulation et retour à la case départ comme l’annonce le même Jaffar qui déclare à la radio française RFI que « Mayotte est considérée (je souligne considérée) comme comorienne par la Constitution du pays » pour calmer Jego qui paradoxalement, s’indigne que les comoriens osent réclamer Mayotte !? Ou bien va-t-on assister à un sursaut comorien et voir les dirigeants du pays allier judicieusement la fermeté à la souplesse. La France, telle une bête féroce qui se sent en danger, va sortir dehors toutes ses griffes. Mais il faut que nos dirigeants comprennent que c’est là un signe d’une faiblesse réelle. Il faut donc résister patiemment, laisser passer l’orage et les négociations nécessaires et inévitables s’ouvriront. Mais pour cela, il faut se doter d’une proposition raisonnable de sortie de crise, dans le sillage de l’ouverture prônée par le Comité Maore : UN ETAT DEUX ADMINISTRATIONS, il faut une proposition pour unir le gouvernement, la population comorienne toute entière, pour rallier tous les pays susceptibles de l’être. En tout cas « lever l’interdiction d’expulser les comoriens de Maore » dans le cadre de marchandages, accepter de discuter avec un comité français dite de haut niveau sans aller au fond de la résolution de la question de l’île comorienne de Mayotte sera perçu par le pays comme une haute trahison, constituera une faute lourde dont les Comores ne se sortiront qu’au prix de larmes encore plus amères. Il faut que le Président Sambi comprenne qu’il n’a pas le droit de rater le coche, qu’il doit encore déployer ses talents pour sortir d’une confrontation Comores France pour aller vers des négociations internationales dans le cadre de l’ONU en impliquant l’Union Africaine .

La situation économique.
Une embellie incontestable se dessine. Des nouvelles banques ouvrent leurs portes, l’hôtel Itsandra sera bientôt inauguré, les projets Galawa – Maludja comme NyamaUyi prennent petit à petit formes, les routes sont en chantier, même la fourniture d’électricité, tout au moins à Ngazidja, connaît ces derniers jours une nette amélioration. Des questions taraudent pourtant les esprits les plus avertis. Maîtrisons-nous ces investissements ? N’allons-nous pas vivre les mêmes expériences (ou des pires encore) que celles déjà connues à Galawa et ailleurs, des opérateurs économiques étrangers qui viennent s’enrichir et plier bagages quand ils le souhaitent laissant des centaines de gens sur les carreaux sans aucune forme de compensation ? On souhaiterait un peu plus de transparence, une implication plus conséquente des opérateurs comoriens malgré leurs faibles capacités d’investissement. Et puis comment ne pas s’interroger face à des opérateurs étrangers qui s’immiscent aussi ouvertement dans la politique comorienne. Ces immenses affiches, inconnues jusqu’ici dans le pays suscitent les pires inquiétudes : ces investissements sont-ils liés au pouvoir en place ? partiront-ils à la fin du mandat de Sambi ? Une autorisation a-t-elle été demandée pour la pose de ces affiches ? Si oui qui l’a autorisé et sinon comment cela est-il possible que des étrangers, fussent-ils des gros investisseurs, puissent agir ainsi en terrain conquis ? On souhaiterait que les autorités comoriennes soient plus circonspectes, suivent de plus près les agissements des opérateurs, que l’expérience BIC / NICOM nous instruisent.
Enfin, comme l’a souligné avec pertinence le Président de l’Assemblée de l’Union Bounou, le quotidien du comorien de base empire de jour en jour, il faut s’y attaquer. Les investissements sont porteurs d’avenir, ils ne doivent pas faire oublier le présent.
Il s’ensuit que la clarification de la politique d’édification économique devient une nécessité majeure pour éviter les improvisations, déblayer la route et mobiliser les énergies nationales et internationales.

La Constitution.
La Constitution de l’Union des Comores est le produit d’un compromis qui a fait la part belle aux séparatistes. Elle est donc nuisible. Chacun le reconnaît. Mais cela ne suffit pas pour l’abandonner. Il faut prendre en compte le contexte. Malgré le soutien massif au Président Sambi, la majeure partie de la population reste fortement influencée par l’idéologie séparatiste. Comment ignorer les nombreux signaux qui indiquent que Mwali peut rapidement dériver vers une autre forme de séparatisme, que les pouvoirs des Iles semblent prêts à sortir leurs griffes et qu’il suffira d’un rien pour se retrouver dans la guéguerre Union – Iles. Il faut donc faire preuve de doigté, parvenir à réaliser des reformes de la Constitution en respectant scrupuleusement les dispositions de la Constitution. Il nous faut donc résister à la pression des choses et attendre la Présidence de Mwali pour changer de Constitution. Persister dans la convocation de la table ronde pour changer de constitution ou modifier la durée du mandat du Président Sambi mènera le pays dans une autre zone de turbulence et Sambi ne pourra pas, comme il l’a toujours dit, se préoccuper principalement d’économie, de lutte contre la pauvreté. Le politicien l’emportera et notre pays poursuivra sa descente aux enfers. D’où le vœu de voir Sambi résister aux innombrables griots qui tenteront de l’enivrer de compliments.
Le pays est à la croisée des chemins, une situation exceptionnelle qui ne surgit qu’à des moments particuliers de l’Histoire de tout pays, un situation qui offre des opportunités exceptionnelles mais aussi une situation qui exige une tension exceptionnelle des forces, tension éclairée par une vision pointue de la voie à suivre. Sambi aura-t-il la force et l’intelligence de se hisser à la hauteur de ce qu’il a déclenché et entrer avec brio dans l’Histoire du pays ou y entrera-t-il comme le Président le plus populaire, celui qui a eu le plus de chance de sortir le pays du gouffre mais qui les a raté ; Sambi se mettra-t-il en réserve du pays à la fin de son mandat ou cédera-t-il aux chants de sirène de ceux qui n’ont que le pouvoir en vue ? Le présent et l’avenir du pays en dépendent fortement.
Idriss (28/04/08)

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