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Interview accordée à ALBALAD le 02 janvier 2010

Quels sont les éléments de bilan que vous tirez par rapport à l’année écoulée ?

Je crois qu’il y a deux questions qui peuvent permettre de se forger une opinion objective de la situation. D'abord, la question de l’île comorienne de Mayotte. On doit réellement saluer les efforts déployés par le président et son gouvernement et les pas accomplis.
La deuxième question concerne la vie quotidienne de la population. On constate que les conditions de vie de larges masses se dégradent au fil des jours. On nous parle d’investissements, de facilités avec les organisations financières internationales, des dettes supprimées, de financements obtenus mais cela ne se traduit en rien dans la vie de tous les jours. Au contraire, même les salaires des fonctionnaires ne sont pas payés depuis plusieurs mois. La situation est vraiment difficile.

Et que pouvez-vous dire des événements politiques ?

On peut noter que le déroulement des dernières législatives soulève de nombreuses interrogations. Comment un candidat ou ses supporters peuvent disposer de fonds qui leur permettent de goudronner des routes, électrifier des quartiers, alimenter en eau des quartiers par des bornes fontaines. D’où vient l’argent ? Est-ce que l’Etat permet à qui veut d'aménager le territoire comme il veut ? A mon avis, il serait salutaire qu'une Commission indépendante se penche sur ce que l'on peut considérer comme un scandale, d'autant que des hauts fonctionnaires occupant des postes sensibles sont en cause. Il faut prévenir et ne pas laisser cette dérive se perpétuer

L’année 2009 a vu deux référendums (Mayotte, Constitution). Quelles réflexions vous inspirent ces deux événements ?

A Mayotte, il n’y a pas eu de referendum mais une consultation. Pour moi, il est nul et non avenu conformément aux résolutions pertinentes de l’Onu. C’est la loi du plus fort qui s’applique à Mayotte. C’est l’attitude arrogante de la France envers les Comores. Quant au référendum sur la constitution, il me semble que cela n’a pas été une bonne initiative. La constitution de 2001 doit être abandonnée après le tour de Mohéli. J’espère que le referendum n’a pas ouvert une période sombre pour notre pays.

Selon des experts comoriens, notre pays les Comores a enregistré une croissance annuelle de 2 % durant la période 2001-2010. Quelle est votre réaction ?

Déjà 2% de croissance, c’est un élément qui montre que loin de se développer, notre pays est en train de sombrer. Si on met le chiffre en rapport avec le taux de croissance de la population, on mesurera mieux le processus d’appauvrissement du pays. Il faut se rendre compte que dans notre région, des pays comme la Tanzanie dépassent les 6%. Certains pourraient mettre en doute les 2% mais moi je ne le fais pas même si je me demande si les données sur lesquelles ces experts se sont basés sont fiables. De part mon métier, j’ai été amené à constater que notre pays ne dispose pas de données complètes et fiables dans aucun domaine.

La proposition du président Sambi (un pays deux administrations) ne semble pas avoir été suivie par la France. Que faire alors pour avancer ?

L’inscription de la question de Mayotte à l’ordre du jour de l’AG de l’Onu est une grande victoire du président Sambi. La proposition me semble avoir joué son rôle puisque le monde a vu que notre pays est raisonnable, propose une solution réaliste et pragmatique. Maintenant les Français persistent dans leur obstination qui les isolera et montrera la fausseté des grandes proclamations universalistes de la France. Il appartient à la diplomatie comorienne d’élargir le soutien que notre pays a obtenu et de faire en sorte que la 64ème Assemblée générale de l’Onu adopte une résolution pertinente sur la question et de contraindre les français à renoncer à leur GTHN et à s’inscrire dans une véritable négociation.

Qu’est ce que vous attendez de ce nouveau parlement ?

Il faut espérer que les députés sauront être à la hauteur des espérances du pays, que le politicien ne va pas l’emporter et mener le pays dans des gouffres innommables. J’espère que la majorité ne dérivera pas vers une dictature de la majorité mais comprendra que même si on ne remet pas en cause les élections, elles n’en sont moins pas entachées, que la majorité comprendra qu’il y a des principes à respecter, qu’il est des choix qui dépassent le simple choix partisan, le suivisme ou la dynamique de groupe.


Quelles sont plus généralement vos craintes et espérances pour 2010 ?

La tournante. On s’aperçoit que le pouvoir tient absolument à prolonger le mandat du président Sambi. Cela manifestement risque de plonger le pays dans le chaos.

Est-ce que le pouvoir pense qu’il peut miser sur la force sans l’adhésion de la population ?
Est-ce qu’on ne sous-estime pas les frustrations de la population de Mohéli. Est-ce qu’on ne va pas renouer avec l’instabilité et les troubles.

Je pense que cette question mérite beaucoup de circonspection de la part de tous les acteurs.
J’espère des éclaircis sur le plan économique et social en 2010, que les investissements qu’on nous promet, que l’argent injecté dans le pays puissent se traduire par une amélioration de la vie quotidienne de simples gens.

Je lance un appel aux démocrates comoriens et à la nouvelle génération des dirigeants. Si chacun reste dans son coin, s'ils continuent comme nous les vieux à crier la caravane passera sans problème et notre pays verra ses horizons se boucher de plus en plus.

Il reste que j’ai bon espoir car le sentiment de révolte grandit dans le pays. "Optimisme du coeur et pessimisme de la raison" est un principe qui devrait guider ceux qui veulent servir réellement le peuple. Bonne année à tous !

Propos recueilli par A.S.Kemba

Commentaires

matsomal a dit…
Qui est interviewé?Le texte devrait préciser d'avantage.
matsomal a dit…
Qui est interviewé?Le texte devrait préciser d'avantage.
Unknown a dit…
très bonne analyse!

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