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IKILILOU AN IV : LA DEROBADE

26 mai 2015, 4ème anniversaire du règne d’Ikililou, affluence au palais de Beit-Salam, de notables et de cadres-notables. Et pour donner le change, ils étaient parés de leurs habits de « mashuhuli ». La tradition a été respectée et le style toujours le même. Surprenant tout de même, cette autosatisfaction affichée sans pudeur alors que rien ne va, alors que le pays se meurt sans électricité ni eau, ni internet, que le pays vient d’être secoué par des grèves des professionnels de la santé et de l’éducation. Le président vivrait-il dans une bulle coupée du monde ou se moque-t-il des Comoriens ? Et que dire des commentaires dithyrambiques de courtisans éhontés qui voudraient faire croire que le pays a les meilleurs dirigeants du monde. Et bien évidemment la télévision nationale fut de la partie. Manifestement le pouvoir Ikililou-Bolero-Mamadou a fait sienne la devise suivant laquelle « plus un mensonge est gros, plus il a des chances de laisser des traces ».

Evidemment on a tenté de maquiller les faits en mettant en avant « l’organisation réussie des élections harmonisées, … » et la mise en place des Communes, ce « nouveau maillon de notre administration ». Soit mais comment ignorer les innombrables contestations des pratiques du pouvoir qui a imposé par la force le Président de l’Assemblée Nationale ; qui a nommé, en lieu et place des exécutifs des iles, les chefs de quartier et de village à la veille des élections des maires ? Des pratiques qui jettent le doute et sèment des angoisses dans la perspective des présidentielles de 2016.

Mais le plus croustillant reste à venir. Dans son discours à la nation, (voir Alwatwan n°2686 du 28/05/2015) Ikililou se propose de présenter son bilan pour l’année 2014-2015 et parcourt tous les secteurs d’activité.

Les présidentielles 2016. Ikililou a consacré une bonne partie de son discours sur les élections, il s’est étalé sur la « refonte » du code électoral mais rien sur les présidentielles 2016. Un an avant les élections alors que le peuple est inquiet craignant des débordements ; alors que la question de l’ile à laquelle échoit le tour déchire les Comoriens, le Président du pays ne dit rien dans son discours à la nation. Quel sens donner à une telle attitude : absence d’opinion, hésitations, camouflage de sa capitulation sur la question de l’île comorienne de Mayotte car enfin les citoyens veulent l’entendre sur la tournante qui devrait revenir à Mayotte. C’est son devoir de prendre une initiative en la matière !

Justice et droits humains. Ikililou se congratule d’avoir recruté 120 auxiliaires de justice, de mettre en place le Conseil de la Magistrature et de participer aux mess internationaux sur les droits de l’Homme. Cela va-t-il changer la donne ? Le doute est permis, d’autant que ces orientations ne s’appuient pas sur un diagnostic. Ne fallait-il pas évoquer la lutte contre la corruption qui entre autre, gangrène notre justice. Quel est le bilan de la Commission contre la corruption ? Suffit-il de former et de mettre en place des structures pour résoudre les problèmes qui rendent la vie aux Comores de plus en plus insupportable !

Fonction publique (FOP). Un gros morceau liquidé par des pseudos réformes. Un nouveau « système d’évaluation des performances des agents » dont on imagine l’impact ; la composition du conseil d’administration de la Haute Autorité de la Fonction Publique » dont on se demande le rôle positif qu’il joue; un séminaire gouvernemental comme cela est devenu une coutume semestrielle ; un logiciel GISE, exploité depuis près d’une dizaine d’années sans parvenir à remplir toutes les fonctionnalités attendues et toujours avancé comme un indice de progrès. Comment le Président peut-il ignorer les trois mois sans salaires des fonctionnaires? A quelle occasion va-t-il apporter une réponse aux angoisses des fonctionnaires ? Comment compte-t-il sortir la FOP de son état léthargique actuel ?

Les grandes questions économiques et sociales. Incroyable mais vrai. On a l’impression que le Président s’est contenté d’un simple copier-coller d’un rapport de la Banque Centrale des Comores. Aucune problématique n’est soulevée. Aucune orientation n’est définie. La lutte contre la pauvreté. « La lutte contre la pauvreté ne saurait être du seul ressort des pouvoirs publics … le secteur privé … doit lui aussi jouer pleinement sa propre partition….Pour sa part le Gouvernement a poursuivi ses efforts dans l’amélioration du climat des affaires par la réforme du cadre règlementaire…le renforcement des capacités du secteur privé (comment !!!????) et l’allègement des procédures (lesquelles !!??) ». Et Ikililou conclut cette partie de son discours avec la mise en place par la Banque Centrale d’une centrale de risques et incidents bancaires. Aucune référence à la stratégie de lutte contre la pauvreté qui a tant couté au pays en consultations, forums, mises à jour, formules diverses, etc. Nous sommes loin d’une vision.

Les infrastructures. Enfin un chiffre concret : 150km de route enrobée ou en ciment depuis que son « excellence » est au pouvoir. 120km entretenue périodiquement pour un montant de 6 millions d’euros. On nous apprend aussi l’existence d’un « schéma directeur portuaire horizons 2030 » concernant le port de chaque ile indépendante. Il semble enfin que « Hahaya, notre aéroport reprend peu à peu la place qui est la sienne dans la région de l’Océan Indien », (et quelle serait cette place ?). L’amélioration du réseau routier est incontestable mais comment ne pas s’interroger sur les pratiques mises en œuvre quand on s’aperçoit de l’état limite du tronçon Hahaya-Moroni, une vitrine du pays, quand l’entretien de la route nationale 1 laisse à désirer ! Et ces vrai-faux rumeurs de corruption à grande échelle qui persistent !

Santé et éducation. A entendre le Président tout semble merveilleux. « Elimination du paludisme…les actions … de sensibilisation de la population (sur le VIH-SIDA) …commencent à porter leurs fruits….(riposte) contre la fièvre Ebola…(la) campagne d’accélération de la réduction de la mortalité maternelle en Afrique a été lancée aux Comores…les campagnes de vaccination des enfants de moins de cinq ans ont continué dans toutes les îles ». Quant à l’éducation, elle « a franchi des étapes décisives….les performances (examens) se sont améliorées … ». Aux sportifs, le Président assure que « les travaux de construction du stade omnisport vont bientôt commencer ». Ainsi donc tout est sous contrôle, aucun problème à régler. La grève de plusieurs semaines à l’hôpital EL MAAROUF, l’année blanche évitée de justesse dans l’enseignement, des péripéties qui ne méritent pas de retenir l’attention de son « excellence ».

Technologie de l’Information et de la Communication (TIC). Pour le Président il ne s’agit que des « exigences de notre époque et (d’)exploiter judicieusement des opportunités ». On est loin de comprendre l’ampleur des bouleversements induits par les TIC qui font dire aux plus avertis qu’après la révolution agricole et celle de l’industrie, le monde est passé à la révolution du numérique, la richesse aujourd’hui c’est le savoir plus encore que la détention de capitaux. Encore une fois le Président n’aborde pas les problématiques de l’heure à savoir les pratiques arbitraires de Comores Télécoms dont la qualité des services pénalisent le pays tout entier ; la situation de la société Comores Câbles ; l’introduction d’un opérateur privé après l’expérience désastreuse de Twaama Télécom. Le secteur des TIC va connaître des bouleversements sans aucune maîtrise puisqu’on ne dessine pas une orientation.

Energie. « Le gouvernement et moi-même mesurons l’ampleur du problème » souligne le Président. Et il reprend le refrain de ces derniers mois : projet Banque Africaine de Développement, projet Banque Mondiale, projet fuel lourd et bien sûr « tout est fait » pour que le mois saint du ramadan soit éclairé. Constatez donc le gouvernement « a déjà décaissé plus de 300 millions …». La situation ne va donc pas changer. MAMWE (ou un autre sigle EEDC, CGE, …) va engloutir encore des sommes faramineuses sans parvenir à assainir la situation énergétique du pays.

Finissons-en avec la question de l’île comorienne de Mayotte. Elle n’est abordée que par un biais : la délimitation des frontières du pays avec ses voisins, encore que le Président a omis de se prononcer sur les vives protestations de la France devant l’ONU. Le Président se dérobe sans la moindre retenue. Car il ne peut pas assumer devant le pays que dans son dernier discours à l’ONU, il n’a pas prononcé le mot Maore ni Mayotte, un fait sans précédent. Car il ne peut pas assumer devant le pays qu’il collabore avec les services français installés à Mayotte pour pourchasser ceux qui veulent se rendre clandestinement dans l’île occupée. Car il ne peut pas assumer devant le pays son choix que la tournante aille à Ngazidja. Car il ne peut pas assumer devant le pays que sa politique consiste à ne rien faire qui puisse incommoder les autorités françaises. Manque de courage, certainement mais c’est aussi sa stratégie : se taire, faire croire à son irresponsabilité. Une stratégie payante à ses yeux, n’est-ce pas elle qui l’a conduit à la tête du pays.

Comment en guise de conclusion ne pas rejoindre ceux qui disent qu’Ikililou est le Président le moins charismatique, le moins capable que le pays a connu. Mais on ne doit pas oublier que les pays ont les présidents qu’ils méritent et il faudra donc tendre les forces pour qu’en 2016 ; le pays ne tombe pas encore plus bas. Puisse une alternative de salut national prendre corps.
Idriss(01/06/2015)

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