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Mayotte : la contribution d'Oraison

Professeur de droit international à la Réunion, M. Oraison porte un intérêt certain à la question de l'île comorienne de Mayotte. Ses réflexions militent pour l'instauration d'un débat positif entre toutes les parties prenantes de la question à savoir les Comoriens des quatre îles et les dirigeants de l'Etat français, un débat de fond apaisé qui a du mal à se lancer du fait de l'attitude de la France qui considère que la messe est entendue et des crispations des dirigeants comoriens de Mayotte qui renient leur comorianité. En tout état de cause, la dernière livraison d'Oraison, publiée dans Al Watwan numéro 2995 du 24/08/2016 mérite l'intérêt de tous ceux qui voudraient contribuer à une solution négociée de la question de l'île comorienne de Mayotte.

La proposition de "confédération bilatérale" est étayée par des considérations fondamentales de base. Certaines sont pertinentes bien sûr. Oui la France "a violé le droit international" en ne respectant pas les multiples résolutions des Assemblées Générales successives de l'ONU durant près de vingt ans (1976 – 1995). Oui la France, cette "ancienne puissance coloniale a beaucoup à se faire pardonner dans le Canal du Mozambique" car Madagascar subit aussi la loi du plus fort et revendique ses îles annexées par la France. Malheureusement les dirigeants français ne sont pas disposés à "mettre tout en œuvre pour réparer cette faute originelle qu'elle a commise en 1975 en ne respectant pas le droit international de la décolonisation".

Et voilà que les ennuis commencent. Car la France, approuvé malicieusement par Oraison, table sur la "coordonnée paramétrique incontournable : le facteur temps" pour tenter de camoufler "la faute originelle" et légitimer l'annexion de fait de Mayotte. On sait que cela passe par un usage perfide du séparatisme comorien. Et Oraison en use et en abuse. Notre professeur enfonce vraiment le bouchon, il affirme sans détour : "le conflit sur Mayotte est moins un conflit juridique franco-comorien qu'une dispute historique, politique et sociologique comoro-mahoraise". Ficelle trop grosse !

Mais ce n'est pas tout car notre cher professeur fausse toute la problématique de la question de Mayotte à partir de sa "coordonnée paramétrique". La question de Mayotte n'est pas à la base un conflit entre deux Etats, c'est un problème de décolonisation, de décolonisation inachevée. Bien évidemment le nouvel Etat comorien poursuit la lutte pour une décolonisation complète du pays et entre donc en conflit avec l'Etat français mais cela ne change pas la nature de la question. Par sa politique du plus fort à Mayotte, la France défie les Comores en premier, mais elle défie aussi la Communauté Internationale. Celle-ci devrait être en devoir de faire respecter ses usages et ses lois. Il doit être clair qu'un grand pays, membre du Conseil de Sécurité, qui piétine la Charte de l'ONU et bafoue les résolutions de l'AG de l'ONU pose problème au Monde entier : les relations internationales sont-elles gouvernées par les lois de la jungle ou par celles d'une communauté humaine respectueuse d'un minimum de valeurs, surtout des forts envers les plus faibles? On est donc loin d'un simple conflit entre deux Etats. Est-il acceptable de légitimer les actes de banditisme international par le temps qui passe ?

Il n'en reste pas moins que la démarche de M. Oraison visant une solution doit être salué. On souhaiterait que les dirigeants français comprennent qu'il "ne saurait y avoir de litige éternel franco-comorien au sujet de Mayotte", "que ce conflit a tendance à s'aggraver" et qu'en fermant la porte à toute négociation de fond sur la question, les dirigeants français de premier plan aliènent l'avenir de nos deux pays et ouvrent la voie à toutes sortes d'aventures.

En réalité, il suffirait que la France reconnaisse la vocation de Mayotte à réintégrer l'Etat comorien pour ouvrir un grand boulevard vers la fin des hostilités. Le génie des peuples comoriens et français imaginera la meilleure formule transitoire. Les Comoriens comprendraient les subtilités juridiques auxquelles les gouvernants français doivent satisfaire. Les Comoriens prendraient en compte les intérêts légitimes de la France dans la région. Quant au fossé creusé entre les Maorais et les autres, il s'agit du séparatisme insulaire comorien. Il a triomphé à Maore en menant à la sécession. Il a distillé à Mwali, l'idée que le pouvoir est un gâteau à partager entre les îles. Il est vivace à Ndzuani après avoir failli anéantir l'Etat comorien et il prospère à Ngazidja menaçant d'imploser les Comores. La mise en route d'une dynamique unitaire incluant Maore, sera certainement difficile à lancer, mais une fois le train en marche, l'apaisement et l'unité des quatre sœurs pourront émerger et mettre l'Archipel sur la voie d'un vrai développement. Idriss (26/08/2016)

Commentaires

Suite aux réactions exprimées dans FB, voici mon avis

Pour que les choses puissent avancer, il faut faire évoluer le débat. Moi j'ai souligné mes points de désaccord fondamentaux avec les thèses de M.Oraison :
- "la faute originelle" ne peut pas être absoute par "le facteur paramétrique : le temps" ni changer la donne. La question de Mayotte reste une question de décolonisation inachevée qui met la France face aux Comores et à la Communauté Internationale, même s'il n'y a pas vraiment lutte
- Opposer Maorais et Comoriens n'est pas acceptable. Les Maorais sont des Comoriens. Même certains séparatistes ne renient pas leur Comorianité avons-nous appris avec bonheur.
- Pour progresser sur le chemin d'une solution, il faut que la France reconnaisse la comorianité de Mayotte et par conséquent la légitimité d'un Etat comorien regroupant les 4 iles. La question n'est pas simple mais elle doit devenir une question posée et à résoudre.

On parle beaucoup et avec raison du transfert de la capitale de Dzaoudzi vers Moroni. Il est certains que des wagazidja ont oeuvré dans ce sens mais la décision finale, en cette période coloniale, fut incontestablement prise par la France. Le problème cardinal fut la non accompagnement de mesures sociales pour compenser les pertes sociales induites par le transfert. D'un autre coté pourquoi, aujourd'hui Dzaoudzi n'est pas la capitale de Mayotte mais Mamoudzou ? Objectivement l’exiguïté de petite terre obligeait au déplacement de la capitale, plusieurs villages comoriens étaient candidats et la France a choisi Moroni, dans l'ile la plus grande. Aujourd'hui, Mamoudzou est la capitale économique des Comores.

On érige la "dictature des wagazidja" comme un obstacle insurmontable. D'où cela vient-il ? Jusqu'à 1989, décès d'Ahmed Abdallah, les équipes dirigeantes du pays furent composées par des personnes venant des 4 iles, des pouvoirs autocratiques qui ont pesé sur la population des 4 iles. Le séparatisme a amené une non participation des wamaore du pouvoir. Dans les quatre iles, nombre de personnes se sont battus contre cela. Par exemple, nous avons été nombreux à nous battre pour un VP originaire de Maore (le Comité Maore avait même saisi la Cour Constitutionnelle) pour le respect du tour de Maore à diriger le pays. Ce sont des sensibilités politiques pas des sensibilités régionales.

L'essentiel me semble-t-il c'est de comprendre la communauté de destin de nos quatre iles. Maore vit mieux mais peut-on construire sous une domination même consentie (voir le livre de Mahamoud Azihary Mayotte en sous-France); peut-on construire sous perfusion, en misant sur l'assistanat? A mon avis l'el dorado Maore est un mirage qui porte un lourd préjudice à nos quatre iles : les morts, la montée de la criminalité, etc. Il nous faut nous ressaisir et engager un débat apaisé, argument positif contre argument positif, éviter les dérapages et les excuser quand ils se produisent afin d'avancer dans la recherche d'une voie féconde vers une nouvelle république des Comores.

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