Les ministres des Affaires étrangères des
deux pays viennent de se rencontrer à Paris et ont publié le 23
août 2018, un communiqué sibyllin qui permet toute sorte
d’interprétation et qui conduit à penser qu’il y a anguilles
sous roche.
Pourquoi la diplomatie française a-t-elle
pris l’initiative de cette rencontre ? Les échanges de
propositions entre les parties comoriennes et françaises pour sortir
de l’impasse actuelle sur les expulsions auraient-ils suffisamment
progressé pour conclure un accord ? Difficile de le croire car,
au mois sur un plan formel, Moroni campe sur sa position : tout
Comorien est chez lui à Mayotte et il ne peut en être expulsé.
De son côté pourquoi la diplomatie
comorienne s’est dépêchée à répondre à l’invitation
française ? Pourquoi avoir déplacé une délégation de haut
niveau à Paris ? Une délégation conduite par le ministre en
personne et comprenant entre autres Mohamed Ismael (Porte parole de
la Présidence), Msaïdie (leader de Radhi et dirigeant de premier
plan de la mouvance présidentielle) et des hauts cadres du
Ministère.
Peut-être doit-on chercher les véritables
enjeux dans le contexte : à savoir l’ouverture en septembre
prochain de l’AG annuel ordinaire de l’ONU et la situation
internationale délicate que connaît le Gouvernement comorien.
Comme de coutume, et cela depuis 1975, la
diplomatie française déploie des trésors d’intelligence
manœuvrière pour empêcher que la question de l’île comorienne
soit débattue à l’ONU. Cela passe par le bâton et la carotte
envers les Comores et nombre de pays membre de la commission traitant
de l’ordre du jour définitif de l’AG qui s’ouvre en septembre.
Et elle est parvenue à ses fins depuis le coup d’État qui a
renversé Papa Djo. Depuis 1996 donc, la question de l’île
comorienne de Mayotte reste cantonnée à l’ordre du jour
provisoire et reportée chaque fois à l’AG suivante. La France
avait donc besoin de peser et s’assurer de l’attitude comorienne
au regard de la « tension » qui existe.
Du coté de M. Souef, il fallait montrer
que le gouvernement comorien n’est pas isolé sur le plan
international, il fallait contrer la « propagande » de
l’opposition sur la désapprobation internationale des pratiques
musclées du pouvoir autour du référendum et de la volonté de M.
Azali d’occuper pour au moins dix ans encore le fauteuil
présidentiel. Quoi de mieux qu’un satisfecit, même de pure forme,
du « parrain » français à Paris. Chose aisée puisque
malgré la « crispation » sur les expulsions, les
relations entre les deux gouvernements demeurent toujours au beau
fixe .
En tout cas la France peut dormir sur ses
deux oreilles puisque les déclarations du ministre comorien lors de
sa conférence de presse, à la veille de son départ pour Paris,
renvoyait aux calendes grecques le débat à l’ONU sur la question
de l’île comorienne de Mayotte. Les Comoriens se préparent, ils
échangent. Parfois ils annoncent en interne que le débat à l’ONU
est une carte qu’ils joueront au moment voulu ! Il y a fort à
parier qu’en septembre on aura droit à un discours rituel du
Président qui ne fera plus illusion.
La stratégie comorienne sur la question de
l’île comorienne de Mayotte est imperceptible. Elle est gérée
dans l’opacité la plus fermée qui soit. Il est difficile de la
comprendre. Comment peut-on considérer un pays qui occupe une partie
du territoire national comme notre plus grand ami ? Est ce que
l’on ne se coupe pas ainsi l’herbe sous les pieds. Est ce qu’on
ne freine pas ainsi la solidarité internationale dont on a besoin.
Pendant que la France « punit » le pays suivant son bon
plaisir en particulier avec son chantage sur le visa, nous ne faisons
pas grand-chose pour la gêner. La France redoute au dessus de tout,
une condamnation internationale de son annexion de Mayotte. Un débat
à l’AG de l’ONU c’est notre principale arme ; y renoncer
c’est capituler.
Sur le plan interne, le Gouvernement ne
cherche pas réellement à constituer autour de lui un large front
uni. Il n’y a aucune structure gouvernementale (ministère délégué
ou secrétariat d’État) dédiée. Le Président Azali avait évoqué
au début de son mandat, l’éventualité de constituer une sorte de
commission nationale sur la question de Mayotte !
Comme si l’inscription dans la nouvelle
Constitution de la question de Mayotte ne changeait pas la donne. On
continue sur la voie qui a conduit à l’annexion de Mayotte et on
s’achemine vers la validation avec des documents officiels dans
lesquels Mayotte est distingué des Comores, où on parle de
migrations entre les Comores et Mayotte.
Le Comité Maore devrait se montrer plus
proactive.
Idriss (25/08/2018)
Commentaires