L’émigration comorienne en
France est en ébullition. Des mobilisations aussi larges, dans
toutes les grandes villes, sur les mêmes revendications, c’est du
jamais vu depuis le crash du Yemenia. On ne peut pas, on ne doit pas,
sous aucun prétexte, sous estimer le fait. Les dirigeants de premier
plan du pays vont et viennent, naviguent suivant leurs intérêts
personnels. Mais là c’est la voix du peuple qui s’exprime
largement et cela ne se produit qu’à des moments exceptionnels. Il
faut donc entendre la voix de la diaspora de
France et d’ailleurs. Elle
fait écho à
celle du
peuple de l’intérieur qui
ne peut rien dire, qui n’a
pas les moyens de faire connaître largement
ses aspirations profondes.
Il faut noter que
de façon générale, les manifestations de l’émigration
comorienne ne sont pas le fait de partis politiques, ne visent
aucun dirigeant politique en
particulier. Des citoyens de
base, des jeunes qui enfin réagissent et prennent la parole. Les
« AZALI DÉGAGE » éparpillés ne constituent pas le mot
d’ordre central. Ils traduisent les
sérieux questionnements sur la légitimité du « gwa dzima ».
Ils expriment un raz-le-bol
des oppressions subies depuis plus de 40 ans par le pays. C’est
le système en place qui est ciblé, c’est la gestion anachronique
du pays depuis l’indépendance qui est sur la sellette. C’est la
crainte que le pays sombre dans une dictature brutale comme celles
qui sévissent dans des nombreux pays africains ou
celles que nous avons vécu sous les commando Mwasi et les mapidunzi
ou celle des mercenaires de Bob Denard.
On revendique pêle-mêle la libération des prisonniers politiques,
le respect des libertés, la restauration du dialogue entre les
politiques, etc. C’est un
mouvement spontané qui cherche à rafraîchir le pays !
Il va sans dire que c’est le
déroulement catastrophique des présidentielles qui constitue la
goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il convient aussi d'y intégrer l’attitude inqualifiable du Ministre de l’Intérieur qui
semble prendre un malin plaisir à défier le pays dans son style
particulier fait de mépris et d’arrogance.
Depuis l’indépendance le système
de gouvernance du pays c’est la dictature. Les formes ont varié,
la brutalité plus ou moins visible. Qui peut nier que notre pays,
depuis l’indépendance, a toujours été dirigé par des clans qui
s’accaparaient tous les pouvoirs, assujettissaient toutes les
institutions. Chacun s’est taillé une Constitution sur mesure pour
pouvoir en faire à sa tête. Jamais de vrais contre-pouvoirs.
L’épisode PAPA DJO n’échappe pas à la règle même si
l’affaiblissement de l’État, à
l’époque, rendait la
situation moins ardue.
Aujourd’hui les citoyens ont
peur. Peur de se retrouver dans un système pire que celui des
mercenaires. Peur des arrestations arbitraires. Peur
du PIGN que certains qualifient de milice privée ! Peur
des conditions abominables de la prison centrale de Moroni. L’absence
de respect des règles et des lois n’a jamais été aussi
grossière. Il est difficile
d’admettre
cette façon de supprimer la Cour Constitutionnelle, de s’approprier
les assises et de les dévoyer, de remettre en selle la Cour de
Sûreté de l’État avec ses lourdes peines et pour couronner le
tout : ce déroulement ubuesque des élections. Une CENI honnie
depuis belle lurette et une
Cour Suprême sans aucun crédit populaire.
Quant aux troubles qui ont émaillé le vote, la responsabilité est
incontestablement partagée mais tout de même c’est le pouvoir qui
devait assurer la transparence du vote, sécuriser les bureaux de
vote. Le comptage des voix, hors des bureaux de vote, est grossier,
choquant, ouvre la porte à toutes les tricheries et est donc
inacceptable.
Le pouvoir doit entendre la voix du
peuple. Chercher les voies et moyens de l’apaisement voire de la
réconciliation. L’Union
Africaine veut nous aider mais elle ne peut jouer de rôle positif
que si toutes les forces politiques comoriennes qui occupent les
devants de la scène l’acceptent, agissent en conséquence. Que
chacun rabatte un peu de son arrogance et fasse des pas vers l’autre.
Gouverner par la force ou s’emparer du pouvoir par la force ne peut
conduire qu’à des impasses.
Phénomène majeur : la place
et le rôle de la jeune génération qui fait ses premiers pas de
militants patriotes voulant servir la nation, voulant bâtir un
véritable État de droit. Organisez-vous, tirer les leçons de la riche expérience des
mouvements depuis le MOLINACO jusqu’au FD. Les rescapés des
générations précédentes vous soutiendront sans réserve pour vous
passer le flambeau des luttes comoriennes pour l’indépendance,
l’unité nationale, le progrès économique et social et les droits
fondamentaux de la personne.
Idriss (10/04/2019)
Commentaires
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