Luttes en cours que personne
ne peut nier. Les « actes » de l’émigration en France,
à la Réunion et ailleurs par leur ampleur (large participation),
leur durée (plus de deux mois) s’imposent à tous. Dans le pays
des petites poussées hors de Moroni (Ntsoudjini, Mbéni, Ouzio dans
le Mitsamiouli, etc.) indiquent que le mécontentement n’est pas
seulement localisé à l’extérieur du pays. Pour les analystes
avertis, ces faits concrets visibles ne sont que la face émergée de
l’iceberg : la colère des masses comoriennes. Seule la peur
de la répression freine les ardeurs combatives des gens vivants au
pays.
Quels
sont donc les enjeux ?
Pour
le pouvoir, il faut écraser par tous les moyens, ce mouvement. On
agit comme s’il n’existe pas. Mais en réalité on en a peur, on
est excédé. Tout est mis en œuvre pour stopper les « actes »
de l’émigration comorienne en France dont le rôle central est
indéniable. Délégation de notables à Marseille, beaucoup d’argent
semble-t-il, montage d’une opération susceptible d’aboutir à
une interdiction des manifestations par l’État français, etc.
Face à l’échec, on cherche à créer une « diaspora
positive » pour contrebalancer l’autre diaspora. A
l’intérieur du pays par contre, il suffit de montrer ses griffes
pour contenir la colère. D’autant que la « carotte »
ne semble pas allécher grand monde !? Au final, malgré les
apparences, le clan Azali n’a pas encore réussi à réellement
stabiliser son pouvoir.
Pour
l’opposition, ce mouvement est du pain béni. On cherche à s’en
servir pour revenir au pouvoir. Alors on infiltre le mouvement de
protestation, on cherche à l’orienter contre Azali qui cristallise
la colère du peuple, on cherche à en prendre la direction. On en
est même arrivé à faire considérer comme patriote de la première
heure les opposants à Azali qui ont fui le pays. Cependant là
encore, rien n’est acquis. La méfiance envers les « pontes »
de l’opposition, ces spécialistes de la navigation politicienne,
ces gens qu’on a vus à l’œuvre au pouvoir est forte, d'où une véritable résistance au dévoiement du mouvement.
Car
pour l’immense majorité des Comoriens, le problème réside dans
le système de gouvernance du pays depuis l’indépendance. Les
aspirations se concentrent sur l’État de droit. On veut une
République démocratique qui garantissent le respect strict des
lois, les droits sociaux des citoyens et les libertés individuelles.
On ne veut plus de ces Constitutions taillées sur les mesures des
présidents. On ne veut plus de ce style typique de l’époque des
sultans sans véritable contre pouvoir.
A
y regarder de près, le pays n’a jamais connu de République
démocratique. Nous avons connu les coups d’État orchestrés par
la France et réalisés par Bob Denard et ses affreux. La fraude
électorale à grande échelle fait partie des mœurs politiques, le
piétinement des lois la règle. On peut s’interroger sérieusement
sur la légitimité de tous les pouvoirs qui se sont succédé à la
tête du pays depuis 1975 ?
Ce
qui est nouveau c’est le style d’Azali II. Comme aveuglé par sa
volonté de rester président et par la puissance que lui confère le
pouvoir, il donne l’impression de croire qu’il détient un
pouvoir sans limite, qu’il peut tout se permettre. Dévoyer les
assises nationales, dissoudre la Cour Constitutionnelle et la
remplacer par une Cour Suprême qu’il désigne tout seul, un
référendum boycotté qui a abouti à un changement de Constitution
qui ne dit pas son nom, une Cour de Sûreté remise en selle pour
condamner lourdement et ce qui a fait déborder le vase : le
premier tour des présidentielles. Tout cela appuyé sur des
plaidoyers méprisants envers l’intelligence du pays.
« A
quelque chose malheur est bon », les excès du président Azali
ont déclenché une large prise de conscience, en premier lieu chez
les jeunes. On assiste à une nouvelle donne. Les jeunes dans
l’émigration qui jusque là ne s’intéressaient pas à la
politique s’éveillent tout d’un coup et exigent tout de go, que
leur pays marche sur les pieds. Telle est la vraie force du mouvement
en cours. C’est aussi un peu sa faiblesse : l’absence
d’expérience, de vision à long terme.
C’est
aussi et surtout l’espoir d’un nouvel avenir du pays. Si ce
nouvel éveil de la jeunesse renoue avec les traditions
révolutionnaires de la jeunesse comorienne. Pour cela il faut
s’organiser, il faut un nouveau parti qui se fixera pour objectif
une nouvelle République Démocratique. Tout un programme dont la
complexité est évidente !
Idriss
(17 juin 2016)
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