Les enseignants sont en grève et
refusent de prendre le chemin des écoles publiques. On dit même que
des notes de l’année dernière font défaut à telle enseigne que
certains élèves ne savent pas s’ils passent en classe supérieure
ou non ! Le dialogue syndicat – ministère a du mal à
s’engager. On se traite de ...menteur. Face aux manifestations des
enseignants, en particulier le sit-in du mercredi dernier, le préfet
du centre chercherait à utiliser la manière forte, des responsables
syndicaux ont même été convoqués à la gendarmerie avec l’espoir
vain de les intimider. Jusqu’ici aucune perspective sérieuse de
sortie de crise !
Le
pays est malheureusement habitué aux rentrées tumultueuses dans le
public, reflet condensé de la situation lamentable de l’éducation
nationale du pays. Le public fait figure de dépotoir depuis bien des
années. Malgré les immenses problèmes de survie des familles, et
malgré l’état du privé, la plupart des parents préfèrent
inscrire leurs enfants dans les établissements privés.
Des
assises de l’éducation comorienne
Le
ministère de l’éducation propose la tenue d’assises nationales
sur l’éducation. Du sérieux ou une tentative d’évacuer les
problèmes et calmer les enseignants ? Des enseignants qui
semblent focalisés sur leurs salaires au regard de leur situation
matérielle.
Qui
pourrait dénombrer les grandes messes autour de l’éducation
comorienne et en spécifier les résultats positifs ?
Séminaires, rapports d’experts nationaux et internationaux se
suivent et se ressemblent sans induire le moindre changement.
Le
pays a hérité un système colonial qui formait une petite poignée
d’intellectuels de niveau conséquent à partir d’un concours
national conditionnant l’entrée au seul collège de l’époque
devenu plus tard le lycée Said Mohamed Cheikh. Le nombre de
collégiens croissait au fil des ans. De 25 dans les années 1960 il
était passé à 60 puis à 90, et le processus se poursuivait.
Le
président Ali Soilihi a voulu réformer le système éducatif en lui
enlevant ses cotés élitistes. Une démocratie par le bas qui d’une
certaine façon a engagé le pays dans la voie de la déliquescence
du système éducatif. Le retour aux affaires des « verts »
d’Ahmed Abdallah, accompagné des mercenaires est venu aggraver
encore le processus. La réforme de la période « révolutionnaire »
fut abandonné
mais on conserva le système des moudiriya. Pire le copie-coller de
tout ce qui se fait en France fut remis en selle. Un secteur privé
surgit de nul part sans contrôle réel de l’État.
On
aboutit à une situation
actuelle qui frise
le ridicule et qui ferme
toute perspective au pays.
On singe la France en tout.
On a abandonné la culture de l’excellence. On introduit des
nouvelles méthodologies (les compétences!). Les enfants ne doivent
plus redoubler. L’objectif des formations devient l’insertion
dans le marché du travail et non la formation de citoyens dotés
d’un esprit critique et capable de s’adapter au marché du
travail. Etc. Le résultat est catastrophique : des enfants des
classes défavorisés qui terminent le primaire sans savoir ni lire
ni écrire, des bacheliers (voire plus haut encore) qui ne savent pas
s’exprimer, rédiger une lettre, etc.
Les
assises doivent nous sortir
de la mentalité de colonisé, nous
pousser à réfléchir par
nous même et à imaginer
les voies d’une éducation
adaptées aux Comores qui
intégre
toutes nos singularités.
Notre
culture est diverse, elle combine nos traditions ancestrales (anda na
mila) avec les préceptes d’un islamisme ouvert et tolérant et
enfin avec les apports du colonialisme et du monde occidental. Nos
enfants doivent commencer par apprendre à se connaître, apprendre
leur histoire, leur langue tout
en étant ouvert au monde, aux apports positifs de l’extérieur.
C’est
aux Comoriens :
- de décider de la scolarisation de leurs enfants. L’âge de départ (des fous furieux pensent que l’on doit commencer à 3 ans puisque c’est le cas en France) et la scolarisation obligatoire. Il faut identifier les critères des choix à faire
- de fixer les acquis de leurs enfants aux différents niveaux : à la fin du primaire, à la fin du collège
- de définir les filières, les orientations, après la fin du collège puis après la fin du lycée
- d’envisager la manière de prendre en compte les évolutions du monde. L’analphabète d’aujourd’hui est la personne qui ne sait pas accéder au net pour y puiser toutes les ressources accumulées par l’humanité, qui ne saura pas utiliser des outils numériques dans son travail, ses apprentissages, ses échanges, etc.
- de spécifier les valeurs, les devoirs et droit du citoyen comorien de demain.
Ignorant
du domaine, je me suis peut-être trop hasardé mais l’éducation
ne peut pas et ne doit pas être envisagé comme une affaire réservée
aux seuls experts et professionnels du domaine. Enseignants et
parents doivent être impliqués.
Les
assises seront nationales et productives si elles concluent un large
débat national inclusif sur
les grandes questions que posent l’éducation aux Comores. S’il
s’agit d’un simple rassemblement des gens du seul pouvoir, alors
on continuera à tourner en rond comme c’est le cas depuis
l’indépendance, sinon
accuser encore les divisions du pays comme ce fut le cas avec les
assises nationales de 2018.
Idriss (23/09/2019)
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