La question est récurrente. Manger
comorien devient de plus en plus difficile : un luxe pour
amateurs aisés. La situation devient critique durant les périodes
de ramadan. Elle est particulièrement tendue ces
dernières semaines. Ce qui
a conduit le ministère de l’économie à tenir une réunion avec
divers acteurs : la chambre d’agriculture, la chambre de
commerce, la fédération comorienne des consommateurs, etc. Al Fajr
numéro 1433 du 13/01/2020 en a brossé
un compte-rendu inquiétant.
Le diagnostic établi :
flambée des prix due à la pénurie des produits, non respect des
prix fixés par le gouvernement. Solution préconisée :
importer massivement de Tanzanie pour
détendre le marché et
renforcer le contrôle des prix !?
Une fuite en avant manifeste qui en
rappelle d’autre. Comme d’habitude, on se
débarrasse des problèmes.
Cela fait penser aux déchets : on a changé de déchetterie
chaque fois que la situation devenait intenable. Ce fut d’abord
Séléa puis l’ancien aéroport Moroni-Iconi puis des containers
puis Itsundzu, etc. On croît pouvoir toujours trouver un
échappatoire ! Une stratégie irresponsable qui mène tout
droit au mur.
L’accroissement des importations
aura
des graves répercussions économiques :
accroissement du déficit
d’une balance des
paiements déjà mal en point, coup
de massue sur l’agriculture vivrière
comorienne. Avec
pour conséquence ultime :
des producteurs qui risquent de voir leur pauvreté s’aggraver,
etc. Les
déclarations du président Azali sur
l’autosuffisance alimentaire seraient-elles
uniquement de la propagande mensongère ?
Le principal maillon à saisir pour
booster la production des produits alimentaires dans
le pays doit être recherché
dans le système de distribution. C’est avant tout un problème de
logistique : collecter les produits, les transporter vers les
lieux de vente et accroître ainsi les revenus des paysans. C’est
la seule façon d’inciter les agriculteurs à produire plus,
d’inciter des jeunes à épouser les métiers de l’agriculture,
etc. Malheureusement l’État ne semble pas vouloir se saisir de
cette question. Les grands commerçants du pays ne semblent pas
comprendre les bénéfices qu’ils peuvent tirer en
investissant sur
un système de distribution à grande échelle.
Le pays ploie
donc
sous
un système de distribution spontané,
générateur de
pénurie. C’est aux producteurs de transporter, individuellement
via les transports classiques, leurs produits vers les marchés. Un
parcours de combattant du champ au village puis du village vers les
villes. Sur le marché, le producteur se trouve confronté à des
revendeuses qui fonctionnent à la journée (elles ne disposent pas
de capacité de stockage), qui bénéficient d’une grande
expérience et qui savent
s’appuyer
sur
leur position et sur leur situation pour
peser sur les prix dans
un jeu particulier sur
l’offre et la demande dont
la règle principale est d’organiser subrepticement la pénurie.
Quelle peut être la réaction des
paysans comoriens ? Selon
AL FAJR, Momo président de la Chambre d’Agriculture, au
lieu de résister à ce sabotage de l’agriculture vivrière
comorienne, serait favorable
aux importations tanzaniennes.
Le SNAC, (Syndicat National des
Agriculteurs Comoriens) sera-t-il capable de défendre fermement et
intelligemment les intérêts des paysans ? Rien
ne permet de le croire.
Aucune
issue en vue. La société comorienne semble complètement démunie.
Il semble ne plus comporter d’intelligentsia. La tendance est au
pillage des deniers publiques avec en prime l’inertie des grands
mariages.
A
quand le sursaut ?
Idriss
(14/01/2020)
Commentaires
La pression démographique accélère de manière galopante l'occupation des terres cultivables par le bâti. Un jour je disais à mon ami Mzimba, que d'ici 20 ans, l'espace cultivable sera réduit en peau de chagrin si l'état ne procède pas à un zonage des terres affectées exclusivement à l'agriculture vivrière. Il suffit d'observer l'allure avec laquelle les parcelles cultivables entourant Moroni ont été occupées par des constructions anarchiques. les anciens champs ont presque disparu. Je pense que ce phénomène n'est pas exclusivement manifeste à Moroni.
l'aménagement du territoire doit réserver une part non négligeable aux routes qui mènent aux terres cultivables pour faciliter le transport des produits agricoles, au lieu de consacrer les fonds aux routes carrossables touristiques.