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LA DEMOCRATIE AFRICAINE QUESTIONNEE

En cette période d’effervescence présidentielle dans nombre de pays africains, Comores, Madagascar, Congo Démocratique, des inquiétudes pointent à l’horizon. Situation alarmante qui a amené à une conférence panafricaine (Conakry 20 novembre 2023, 1er atelier de Menssah) sur la gouvernance et les institutions.

Quelle analyse de ces élections « coutumières » de tous les cinq ou 7 ans ? Illustrent-elles des démocraties vivantes en Afrique ?

Poser la question c’est déjà, y répondre. Quelques constats révélateurs :

·        Elles engloutissent des sommes énormes. En 2015 au Burkina Faso : 47 millions d’euros. En 2016 au Mali : 76 millions. En 2018 au Congo Démocratique : 600 millions. Et il ne s’agit là que des contributions des « partenaires ». Il faut y ajouter les participations des Etats concernés et le pillage des deniers publics pour financer les campagnes. Un gouffre qui engloutit encore plus l’Afrique. S’agissant des Comores, des statistiques nationales défaillantes et/ou inaccessibles ne permettent pas d’avancer un chiffre significatif.

·        Dans la plupart des cas, ces élections ne changent rien. Les mêmes restent au pouvoir. Leur légitimité ne repose que sur la triche. De plus il faut compter avec les changements constitutionnels du 3ème mandat et son lot de troubles

·        Elles s’accompagnent d’affrontements, désormais elles tuent plus que les coups d’Etat.

Telle est la réalité de cette « démocratie africaine » chantée à tue-tête par les médias grand public occidentaux, spécialement France 24 et RFI.

Des « grands » intellectuels dissertent sur un modèle français architecturé autour de l’élection présidentielle, un modèle dénoncé par certains français comme un système quasiment monarchique. Pour ces grands intellectuels, les pays dits francophones l’auraient importé sans discernement, un copier-coller servile, une singerie lamentable qui alimente et perpétue un complexe d’infériorité du dominé, etc.

Cela a l’apparence de la vérité mais semble cacher l’essentiel. Car il s’agit avant tout d’un système françafricain imposé aux pays francophones depuis les indépendances formelles des années 1960, un système conçu par le Général De Gaulle, mise en œuvre et porté par Foccart (voir ses mémoires) pour choisir nos chefs d’Etat à notre place et ainsi perpétuer la colonisation.

Il y eut les « élections » de la période du parti unique agrémentée parfois par des coups d’état, la France faisant appel à ses mercenaires dont Bob Denard fut la figure de proue. Les putschs de Bob Denard aux Comores l’illustrent sans le moindre doute.

Puis la France imposa le multipartisme à la fin des années 1980. Le fameux discours de Mitterrand à la Baule en 1990 et ses envolées lyriques sur la démocratie fait encore sensation. Est-il quelqu’un de sensé pour croire en la bonne foi du sphinx Mitterrand ?

La France s’est adaptée à une nouvelle situation susceptible de créer des failles dans son système françafricain :

·        Montée des revendications démocratiques de la jeunesse africaine face aux pouvoir dictatoriaux d’un autre âge qui étouffaient l’Afrique. Il fallait dévoyer cette tendance

·        Certains « présidents fondateurs, père de la nation » croyaient pouvoir s’octroyer quelques libertés. Il fallait affaiblir leur pouvoir, les mettre au pas.

Mais force est de constater que cette démocratie franco-africaine a jusqu’ici bien fonctionné et permis à la France de continuer à régner sur son « pré carré » et piller à moindre frais, les richesses africaines.

Il se trouve cependant que les choses changent. Les peuples finissent toujours par s’attaquer à l’oppression et à l’exploitation. Surgit ainsi le mot d’ordre de SOUVERAINETE qui prolonge celui d’INDEPENDANCE des années 1960. Les pays africains veulent décider de leur sort sans interférence étrangère. Une tendance forte incarnée par le Mali, le Burkina Faso, le Niger et d’autres encore. Une vague qui déferle avec force comme l’indépendance il y a plus de 60 ans.

Une menace sérieuse qui appelle une riposte de la France et des forces de l’ONU. On peut la décliner en deux composantes principales.

·        La force, bien évidemment. Affaiblir les états africains pour en faire des proies faciles. D’où le recours aux terroristes comme on le voit dans le Sahel. Les accointances au Mali, entre l’armée française et les terroristes sont documentées. Le pouvoir malien conduit par le colonel Goïta tente en vain de les rendre publiques en publiant au Conseil de Sécurité de l’ONU les preuves tangibles qu’il détient.

·        La propagande, la ruse et les manipulations de laquais. Si dans les années 1950 – 1960, la France a fabriqué des indépendantistes de pacotille à qui elle a donné l’indépendance (« nous avons donné l’indépendance à ceux qui ne la voulaient pas et liquidé ceux qui se battaient pour » dixit Messmer, ancien premier ministre français) la stratégie aujourd’hui est plus pointue. Elle joue sur une société civile « éclairée » pour stigmatiser des tendances dictatoriales dans les pays du front (Mali, Burkina, Niger) et s’assujettir le combat pour la souveraineté.

Voilà pourquoi, subitement, surgissent de la cuisse de Jupiter, des personnages d’une prétendue société civile apolitique qui se posent en avant-gardiste d’un retour aux sources africaines. Ils dissertent avec talent sur les valeurs humaines, le bon sens ; ils dénoncent des mauvaises pratiques, les singeries de l’Occident, etc. Dans ses envolées lyriques ils en arrivent à des conclusions stupéfiantes :

·        La démocratie est occidentale, un produit de leur histoire (qui a dit que l’Afrique n’était pas prête pour la démocratie). L’Afrique devrait chercher une légitimité dans les chefferies

·         Les présidents africains sont omnipotents, centralisent dans leurs mains tous les pouvoirs. Il faudrait donc supprimer les postes de président dans les pays africains.

A y regarder de près, on en arrive à s’interroger sur cette démarche. La France ne serait-elle pas en train de nous fabriquer des nouveaux Houphouet, Senghor qui sont censés nous jouer la partition des années 1950 – 1960 et saboter le panafricanisme de souveraineté, le dévoyer et lui enlever tout son contenu révolutionnaire, anti impérialiste ?

Nous devons donc rehausser notre vigilance, être plus cohérents et faire preuve d’esprit de suite.

Le panafricanisme de souveraineté n’est pas une entreprise humanitaire, n’est pas une philosophie discursive. C’est un projet révolutionnaire qui vise la destruction des rapports de domination impérialiste qui enchainent l’Afrique et font du continent le plus riche du monde, le continent de la pauvreté, de la misère.

Le panafricanisme de souveraineté renoue, valorise et développe l’histoire millénaire de l’Afrique et ses apports inestimables à la communauté humaine. Elle n’ignorera pas pour autant tous les acquis de l’humanité dans tous les domaines scientifiques, techniques, sociaux, etc.

Le panafricanisme de souveraineté est souverain pour puiser dans le trésor passé, présent et futur de l’expérience universelle afin de concevoir des nouvelles formes d’organisation de nos pays, des nouvelles voies de désignation de dirigeants réellement légitimes qui seront au service des peuples, des nouvelles voies d’unification de l’Afrique. C’est l’enjeu principal de cette troisième décade du XXI° siècle.

Sous ce prisme, les Comores ont du pain sur la planche. Il nous faut des réponses pointues contre un système de corruption qui irrigue toutes les structures de l’administration, contre un séparatisme insulaire agressif, danger permanent contre la nation. Sans oublier une politique judicieuse d’édification économique et sociale d’un micro état dans un environnement international complexe.

Malheureusement qui s’en préoccupe ? Certainement pas les « présidentiables »

Idriss (30/11/2023)

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