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Lettre ouverte au Président de la République Française

Excellence, Monsieur le Président,

Veuillez considérer notre lettre comme un hommage à votre noble fonction à la tête d’un grand peuple auquel nous sommes très attachés. Elle est ouverte malgré nous puisque nous ne disposons d'aucun autre moyen pour nous assurer qu'elle vous parvienne, merci infiniment de ne pas nous en tenir rigueur.
Permettez que nous commencions par vous adresser nos compliments et par formuler des vœux de réussite pour vous, votre peuple et votre pays.

Excellence, Monsieur le Président,

Deux événements apparemment anodins mais à notre avis significatifs nous ont amené à prendre l’initiative de vous écrire :
§ Un jeune artiste plasticien qui assurait des cours à l’école française de Moroni a été "remercié" pour avoir participé à une manifestation qualifiée d'anti français
§ Un autre artiste est interdit d'Alliance franco-comorienne à Moroni pour la même raison
La manifestation en question tire sa source dans les traditions culturelles comoriennes utilisées dans le temps, avant la colonisation, pour dénoncer les contrevenants aux mœurs et coutumes, une sorte de bannissement. En mars 2009, la manifestation cibla bien évidemment la consultation référendaire que l'Etat français s'apprêtait à organiser à Mayotte, loin d'être "une manifestation politique violente" (comme l'a caractérisé le directeur de l'Alliance), le GUNGU fut "un charivari de protestations" (comme l'a décrit un écrivain comorien). En tout état de cause, personne n'a été violentée et on ne signale aucun dégât matériel.
Voilà, Monsieur le Président, une illustration presque banale de ce que vivent les Comoriens au quotidien dans leurs relations avec les autorités françaises aux Comores.
Les réactions comoriennes contre le maintien de Mayotte dans la République Française constituent un droit imprescriptible. Dans votre communication aux élus maorais le 16 décembre 2008 au Palais de l'Elysée, vous avez prouvé que vous mesuriez bien la dimension de ce combat national pour recouvrer l'intégrité territoriale de l'Archipel des Comores et l'unité de la nation comorienne. Vous avez indiqué avec pertinence dans votre discours : "les Comoriens ne renonceront jamais à leur revendication sur Mayotte". Malheureusement les autorités françaises aux Comores ne l'ont pas compris. Elles misent sur une répression qui confine à de la mesquinerie pour endiguer toute protestation contre la politique française aux Comores. Imaginez Monsieur le Président que l'on propose à un Comorien bi national de renoncer à sa nationalité française parce qu'il s'opposait à la Consultation du 29 mars, que l'on veuille retirer la bourse à ses enfants, etc. Imaginez, Monsieur le Président, que l'on s'appuie sur des "pseudo" amis de la France pour opposer les Comoriens les uns aux autres, on a même vu une association comorienne "vraie-fausse" amie de la France constituer une milice, tentative insensée d'importer à Moroni, les pratiques des "pro français" de Mayotte. Négation grossière des libertés fondamentales des personnes qui donne une piètre image de la France !
Cette attitude, Monsieur le Président, ne peut que créer et nourrir des sentiments anti-français aux Comores. Cette situation perdure en s'aggravant. Ami véritable de la France, il nous apparaissait comme étant de notre devoir de tirer la sonnette d'alarme, d'en souligner l'extrême urgence en essayant de toucher le sommet de l'Etat français.

Excellence, Monsieur le Président,

Il est illusoire de croire pouvoir faire fi du sentiment national comorien; on peut ne pas le partager ou ne pas le trouver légitime, on peut le considérer comme vain au regard du rapport de force Comores / France. Mais ce sentiment est irrépressible, il est conforté par des nombreuses résolutions de l'Organisation des Nations Unies, seule voix autorisée de la Communauté Internationale que personne ne peut ignorer sous quelque prétexte que ce soit. Il est conforté par la condamnation quasi universelle (Union Africaine, Ligue des Etats Arabes, Mouvement des non alignés, au total plus de deux cents pays) de la consultation française à Mayotte du 29 mars dernier. La défense de l'intégrité territoriale d'un pays est une cause juste et l'expérience historique universelle montre s'il en était besoin qu'elle finit toujours par l'emporter.
Certes les circonstances sont aujourd'hui, extrêmement défavorables aux Comoriens et c'est peu dire, mais vous savez qu'il se trouvera toujours des Comoriens des quatre îles, y compris et peut être surtout à Mayotte, qui continueront le combat national. Ces circonstances évolueront inévitablement en faveur des Comores. Notre vœu et notre espoir serait de parvenir à arrêter les frais, à inscrire les relations entre nos deux pays dans le sens de l'Histoire, d'ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les Comores et la France.

Excellence, Monsieur le Président,

Les liens entre les Comores et la France sont en effet sans pareils dans le monde:
§ Plus de 10% de Comoriens ont la double nationalité
§ Plus de 10% de Comoriens vivent en France métropolitaine
§ Une des plus grandes villes comoriennes se trouve en France
§ La culture française domine largement (pour combien de temps encore !?) aux Comores
§ Les mariages mixtes se multiplient etc.
Comment préserver et développer ces acquis historiques ?
Le maintien de Mayotte dans la République Française vaut-il leur destruction ? N'est-il pas évident que "l'attachement" maorais envers la France est plus un rejet de ce qui se passe dans la partie indépendante qu'un renoncement à la "comorianeté" de l'île, ce qui se perçoit bien dans la vie de tous les jours des Maorais. Quels sont les intérêts français qui seraient menacés par l'unité des quatre îles comoriennes, n'est ce pas plutôt le contraire ? Comment balkaniser les Comores et créer dans notre Région Océan Indien, une zone de paix et de coopération ? Quelle image la France donne-t-elle d'elle-même au monde en s'acharnant contre un petit pays ami, qui continue, malgré les vexations, à parler amitié avec cette France qui le mutile ?

Excellence, Monsieur le Président,

Hier 6 juin, lors des cérémonies commémoratives du débarquement de 1944 en Normandie, d'importants discours ont été prononcés par vous même, les Premier Ministre de Grande Bretagne et du Canada et par le Président Obama. Vous y avez souligné, avec talents, les valeurs qui furent à la base du sacrifice suprême des jeunes de l'époque qui n'ont pas hésité à partir à l'assaut de la forteresse nazie et qui l'ont finalement vaincu malgré un rapport de force pour le moins très défavorable. Il fut question hier en terre française d'un grand rêve planétaire de justice et de paix. On y a même parlé d'une société mondiale.
Le monde, Monsieur le Président, est-il limité à l'occident ? Ou bien les petites îles Comores ne font-ils pas partie du monde ? Le monde sera-t-il celui des beaux discours ou celui des réalités que les peuples vivent ou subissent ?
Bien sûr la situation comorienne est complexe, beaucoup d'éléments doivent être pris en compte mais il n'en reste pas moins Monsieur le Président, que la nation comorienne est une réalité Historique tangible que l'on peut percevoir à cette unité culturelle que près de 35 ans de séparation n'ont pas gommé. Les Maorais vivent comme leurs compatriotes des autres îles. Sans la puissance française les contradictions inter comoriennes de 1975 n'auraient pas abouti à la balkanisation de l'unique et singulier Archipel des Comores, les contradictions entre Mayotte et ses sœurs ne seraient pas si vives
Enfin, Monsieur le Président, de quel monde est-il question lorsque la France persiste à briser les Comores en opposition frontale avec les principes, les usages et les résolutions de toutes les Organisations de la Communauté internationale ?
Permettez une question : face aux grands pays qui appliquent la loi du plus fort quelle peut être la riposte des faibles ? Aucun peuple, même le plus pacifique, ne peut courber l'échine éternellement.

Excellence, Monsieur le Président,

Depuis 1975, une dynamique infernale mine les Comores et sape les relations entre nos deux pays. Le terrain est propice à l'émergence et au développement des extrémismes de tout genre. Une situation pleine de dangers qui méritent de retenir l'attention des dirigeants comoriens et français. Nous croyons que le génie de nos deux peuples est capable d'inventer une solution juste et judicieuse à la question de Mayotte. Votre idée de "dépassement" du conflit entre nos deux pays, mérite d'être creusé dans le sens de l'équité; pour des retrouvailles progressives d'un peuple, le Comorien, qu'un accident de l'histoire a momentanément divisé à l'instar d'autres peuples qui ont connu des vicissitudes bien pires encore; pour un renforcement effectif des liens entre pays, les Comores et la France, que l'Histoire a indissolublement uni.

Excellence, Monsieur le Président,

C'est avec la détermination de continuer à œuvrer pour l'unité de la nation comorienne et pour des relations équitables et fortes entre les Comores et la France que nous vous prions, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer, l'expression de nos sincères sentiments respectueux.


Idriss Mohamed
Responsable du Comité pour le rassemblementdes patriotes et démocrates comoriens

Commentaires

Unknown a dit…
très bonne analyse. Du courage et Merci idriss

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