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Assises « nationales » : un finish désespérant (I)

Du vendredi 19 au lundi 22 janvier 2018, l’actualité nationale se concentra sur les ateliers préparatoires des assises. Plus de 500 personnes rassemblées à Moroni pour un grand et large débat démocratique autour du diagnostic des 42 ans d’indépendance du pays. La dernière ligne droite vers la messe programmée début février. « Yedalili ya vuwa mayingu » qu’en est-il alors ?

Penchons-nous en premier sur la démarche.

Des commissions d’experts nationaux ont travaillé trois semaines durant sur des thèmes. Ils ont produit des documents censés systématiser un diagnostic et des préconisations. Plusieurs dizaines de pages par documents. Comment allaient-ils être adoptés ? Quelle assemblée habilitée à le faire ? On attendait que le CPAN se prononce ! Rien de rien. On se contenta d’une séance formelle de remise de ces documents au Chef de l’Etat. Conclusion évidente c’est à la présidence donc de valider les travaux des commissions.

Et c’est ce qui se passe, et c’est ce qui est confirmé avec la tenue des ateliers. C’est Beit-Salam, avec certainement la contribution de l’Expert Principal, qui a synthétisé les travaux des commissions, (plus de 500 pages au total suivant les échos), en une synthèse, (une cinquantaine de pages) : le document distribué aux participants aux ateliers pour nourrir leurs échanges sur les thèmes des assises. Un indicateur tangible de la réalité des assises : le dernier mot revient à la présidence.

Il est permis de penser que c’est ce document, « enrichi par les ateliers » qui sera soumis pour adoption aux assises. Des ateliers populaires, plus de 50 personnes par groupe, pour le moins impréparées, pour la plupart non familières de ce genre de débats, parfois éprouvant des difficultés avec le français, la langue des débats et des documents. Un bel exemple de large démocratie participative sur la face du monde.

Survolons le document de base des ateliers

Il est composé de 5 parties :
- gouvernance politique, consolidation de la nation et édification de l’Etat (5 pages)
- gouvernance économique et financière (36 pages)
- gouvernance sociale et culturelle (8 pages)
- place des Comores dans le Monde (2 pages)
- question de l’île comorienne de Mayotte (2 pages)
Cette répartition en termes de pages montrent bien le sérieux du travail accompli et augure des résultats susceptibles d’en découler.

Un rapport de 1 à 7 entre les questions essentielles, (nation, Etat) et l’économie et les finances. Mais qui mène une politique économique et financière ? La situation économique et financière cauchemardesque est avant tout la conséquence d’une gouvernance d’un Etat défaillant, même si toutes proportions gardées, la misère rejaillit à son tour sur la situation de la nation et de l’Etat.

Que dire des deux maigres pages consacrées à la question de Mayotte, une question qui se trouve pourtant au centre des destinées du pays. Non pas seulement parce qu’il s’agit de l’intégrité territoriale du pays, une question sacrée. Mais aussi parce qu’elle détermine la politique comorienne de la France, parce qu’elle occasionne des milliers de Comoriens morts et disparus par an.

Peut-on situer la place des Comores dans le monde sans une analyse serrée de la situation internationale, de la situation de l’Océan Indien.

A regarder d’un peu plus près, on découvre que le document s’est contenté d’un survol des périodes (les régimes qui se sont succédés) décrivant mais n’expliquant pas. On a l’impression que l’on confond les symptômes et les maladies. A l’origine le M11 avait proposé de diagnostiquer pour poser les bases de la gouvernance, les assises optent pour une analyse des gouvernances !? Subtilité d’intellectuels ou démarche visant à noyer le poisson dans l’eau ?

Un document pour le moins inconsistant

Difficile dans le cadre d’un article de se lancer dans une analyse complète du contenu du document. Contentons-nous de remarques éparses soulignant les incongruités les plus criantes.

1-gouvernance politique, consolidation de la nation et édification de l’Etat

Le M11 en avait fait deux thèmes distincts : l’édification de l’Etat et la consolidation de la nation.

La France est la grande absente de cette partie et pourtant personne ne peut nier son poids politique prépondérant dans les affaires comoriennes. Directement et de plus en plus indirectement mais toujours avec une efficacité redoutable. Et puis ne fallait-il pas analyser le mimétisme dans la structuration de l’Etat ? Les copier-coller des lois françaises. Pourquoi ignorons-nous nos mœurs et usages dans la définition des lois. Même la gestion des Communes n’a tenu aucun compte de la riche expérience comorienne dans la gestion des villages.

On évoque les coups d’Etat sans les analyser. On passe sur le premier coup d’Etat sans en mesurer les conséquences du coup de massue porté sur le bébé Etat comorien qui ne s’en est toujours pas remis. Quel est l’impact sur l’édification de l’Etat des 12 ans de règne des mercenaires ? Pourquoi les présidentiables devaient-ils avoir une « bénédiction française » pour espérer l’emporter ?

La corruption qui gangrène le pays est évacuée. On en parle dans la seule partie consacrée à Djohar. On n’en mesure pas la portée et l’impact dans la vie politique et sociale. Pourquoi vole-t-on les biens publics sans sourciller, que ce soit de l’Etat, des village et même des mosquées ? Pourquoi les pilleurs des deniers publics reçoivent des promotions en guise de punition ? Pourquoi les communautés en sont arrivées à défendre les prédateurs de leur village ? Pourquoi ne respecte-t-on pas les lois ?

Le séparatisme n’a pas mérité un petit paragraphe. Aucune analyse de ce mal profond qui sape les bases de la nation et de l’Etat. Et pourtant c’est la source principale de la déstabilisation du pays après la période des mercenaires et des coups d’Etat.

Quelle est la place et le rôle de la notabilité et du « grand mariage » dans l’incapacité du pays à s’auto gérer de façon efficace ? Comment mesurer le poids de la notabilité dans le traitement des questions nationales.

La question religieuse revêt une nouvelle complexité, ne méritait-elle pas que l’on s’y attarde. Car parfois on a l’impression que le pays suit une voie dangereuse susceptible de conduire à des affrontements religieux entre musulmans comme dans d’autres pays.

De diagnostic, point. Pourquoi l’Etat ne parvient pas à assurer ses fonctions régaliennes ? Aucune réponse. On s’est contenté de décrire les différentes institutions pour conclure à la nécessité de mettre fin à la tournante.

2-gouvernance économique et financière

Une mine de chiffres qui témoignent de la gravité de la situation économique et financière du pays. Malheureusement on s’est dispersé comme en témoigne les multiples parties et sous parties consacrées à ce thème. Quel était donc l’objectif visé ?

On se trouve en face d’un de ces documents classiques produits par les séminaires et/ou les programmes que les « partenaires » nous imposent (PAS, DSRP, etc.). On y apprend l’évolution du PIB, la monstruosité du service de la dette, etc. On décrit bien de problèmes et on avance des conclusions banales. Manque l’essentiel : le pourquoi ?

Pourquoi les gouvernants ne se dotent pas de programme. Tout au plus formule-t-on des slogans Rehemani, Habitat et aujourd’hui émergence.

Pourquoi le budget de l’Etat est réduit à une formalité vide de sens. Exemple d’où viennent les sommes folles engagées dans les assises ? L’Assemblée Nationale a-t-elle légiféré en la matière ? Il ne s’agit pas de tracer son exécution mais de comprendre pourquoi ce document qui devrait être stratégique est une lettre morte.

Quelle analyse faisons-nous des institutions internationales qui jouent un rôle essentiel à travers leur programme, des partenaires qui mènent des programmes divers à travers leurs bureaux ou leurs projets. Quel bilan de l’aide internationale à notre pays, comment s’en servir au mieux, etc.

A suivre ….
Idriss (23/01/2018)

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