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Du programme politique aux Comores

La question des programmes politiques des organisations comoriennes se posent avec acuité. Les journalistes la soulève dans les différentes conférences de presse sous différentes formes. Quel est votre programme ? Quelles sont vos propositions ? Qu’est ce qui vous distinguent des autres ? Dans les réseaux sociaux comoriens la question revient sous plusieurs angles dans les échanges. Il faut dire que la situation est compliquée. Comment se retrouver dans cette myriade d’organisations diverses et variées composant l’opposition au pouvoir. Innombrable même au niveau des regroupements : Union de l’Opposition, CNT, Comred, Front Commun, Front Ajouannais, Mouvement en marche Ndzuwani, front Mohélien, Mdzadze mwendza imani, Mouvement de jeunes, Daula ya haki, etc. etc. Le séparatisme semble en terrain favorable et menace.

La cacophonie autour de Daula ya haki dont on ne perçoit que la volonté d'en finir avec Azali ne peut pas constituer une alternative crédible portant de l’espoir pour un lendemain meilleur !

Pourquoi cette réticence à examiner la question du programme. Lors de sa dernière conférence de presse, le président du Front Commun a évacué de façon très peu cavalière une question d’un journaliste l’interrogeant sur la plateforme de base de son front.

Quand on remonte le passé on ne peut trouver nul part (à ma connaissance du moins) de programme politique d’une organisation encore moins d’un pouvoir.

Le MOuvemet de LIbération NAtionale des COmores (MOLINACO) et le PArti SOcialiste des COmores (PASOCO) se contentaient de Chanter l’indépendance, la fin de l’exploitation et des humiliations coloniales. Même la voie de la conquête de l’indépendance était floue. L’absence de proposition concrète d’édification de la nation en découlait tout naturellement. Ce qui a favorisé la récupération de la lutte pour l’indépendance par la France et ses affidés.

Le Front Démocratique (FD), incontestablement le parti le plus avancé sur le plan idéologique n’avait jamais formulé de véritable programme de développement du pays. Il se contentait d’orientation générale dans ses déclarations de politique générale à l’issue de ses congrès. Pourtant on portait des orientations fécondes. Réforme agraire plaçant le paysan au centre du processus de production en priorisant le vivrier. Économie mixte combinant judicieusement la part de l’État et du privé pour promouvoir l’entreprenariat et la création d’emploi avec bien entendu le respect strict des droits des travailleurs. Mais on est jamais allé au delà. On a été happé par le combat politicien dès notre retour au pays.

Du coté des pouvoirs successifs on se contentaient (c’est toujours le cas) de slogans démagogiques tels REHEMANI, HABITAT, ÉMERGENCE, etc.

Seul Ali Soilihi avait un programme consistant. Son PULA YAMAENDELEO (PM). Sur le plan économique le PM s’appuyait sur une analyse des sols pour dégager une orientation concrète : les cultures vivrières sur les hauts et les cultures de rente sur les zones côtières, une organisation des circuits de distribution, etc. Sur le plan administratif, le PM intégrait les mentalités villageoises et architecturait le pays autour de MUDIRIYA capitale régionale de base, centre administratif, économique et financière, siège de la sécurité (police, justice,...). L’État s’étendait à tout le pays. Malheureusement le pouvoir Soilihiste fut éphémère qui plus est, son volontarisme l’avait conduit à des extrémités qui lui enlevait tout enracinement dans les masses populaires.

Les partisans d’Azali repliqueront qu’ils ont eux aussi élaboré un programme : le Plan Comores Émergent (PCE) qui vient d’être décliné en plan intérimaire. Il convient donc de nous y arrêter dans les limites bien sûr d’un simple article.

Première remarque :L’ÉMERGENCE est une « création » des experts de l’aide au développement (on le trouve déjà dans le SCA2D 2015 – 2019). La formulation de « nouveaux concepts » destinés aux pays dits en voie de développement est un sport favori de ces experts. Ces subtilités dévoient les luttes des peuples pour leur développement. Programme d’Ajustement Structurel (PAS), Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), Stratégie de Croissance Accéléré et de Développement Durable (SCA2D), Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), Fracture Numérique, Genre, etc. On « créé » un mirage, on mobilise les forces pour appréhender le nouveau concept, des travaux d’hercule d’experts internationaux et de cadres nationaux, une multitude d’ateliers et de séminaires. Des années pour traduire en programme national un programme passe-partout du couple infernal Banque Mondial – Fonds Monétaire International. Des programmes qui se suivent et qui se ressemblent depuis le début des années 1980 avec les conséquences évidentes que nous vivons : accroissement de la pauvreté et des États africains incapables d’assurer leurs fonctions régaliennes santé, éducation, justice.

Remarquons enfin que L’ÉMERGENCE est devenu un slogan largement repris en Afrique, tous les pouvoirs africains en font leur cheval de bataille. En l’adoptant le président Azali ne fait que s’inscrire dans une mode africaine, mise au goût du jour par ses pairs africains sous le parapluie de ceux qui nous aident à marcher à reculons.

Le PCE est synthétisé dans un document à travers cinq « SOCLES STRATÉGIQUES POUR LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE DE L’ÉCONOMIE DES COMORES VERS L’ÉMERGENCE », cinq « CATALYSEURS ESSENTIELS À L’ÉPANOUISSEMENT DES SOCLES DE L’ÉMERGENCE », et trois « CONDITIONS DE RÉUSSITE INDISPENSABLES À L’AMBITION DES COMORES ÉMERGENT » (https://www.cpadcomores2019.com/app/files/documentation/synthese-du-plan-comores-emergent.pdf) Une succession de généralités du style « Socle 1 : Le tourisme et l’artisanat, des atouts majeurs pour les Comores dans l’Océan indien…..Catalyseur 1 : Un cadre politique et institutionnel réformé et plus stable…..Condition 1 : Un cadre macroéconomique favorable à l’émergence.  » La base d’un tel plan devrait être une analyse serrée de la situation du pays, des contradictions qui le minent et non des professions de foi comme en sont friands les programmes de la Banque Mondiale et du FMI.

Un autre document s’attache aux projets phares : https://www.cpadcomores2019.com/fr/investir-aux-comores/projets-phares. Des objectifs concrets sont fixés et un budget prévu. Mais ils semblent tomber du ciel, l’énormité des investissements sans la moindre explication donne le vertige. Exemple : Projet phare QUARTIER ADMINISTRATIF ET SMART CITY : 2ha, 37.000 m² de locaux administratifs , etc. 87 750 000 € d’investissement. Une forte impression de délire démagogique.

Le PCE est décliné dans un plan intérimaire défini ainsi « Ce document baptisé Plan de Développement Intérimaire (PDI 2020-2024) et le plan à moyen terme du PCE. Il constitue alors le cadre de référence et de mise en œuvre du Plan Comores Émergent pour la période 2020-2024. Il est ainsi élaboré à partir de la compilation des données du PCE mais aussi des documents de référence sectoriels disponible. Il a aussi suffisamment capitalisé les résultats de la conférence des partenaires au développement tenue à Paris en décembre 2019. ». Ministère par Ministère, un tableau comme les aime les experts internationaux fixent les résultats attendus en 2024 par [activités[Actions stratégiques[indicateurs[cibles[coût[déclinaison annuelle]]]]]]. Comme sa mère le PDI 2020-2024 reste dans l’éternel général. Même au niveau des indicateurs, on retrouve la même vanité que dans les programmes du FMI-BM. Un bel exemple d‘indicateurs vaseux du PDI : pour mesurer « I. Les réformes institutionnelles pour l'efficacité de l'action diplomatique sont mises en place » les indicateurs arrêtés : « Personnel recruté, Budget de fonctionnement, Lettre de missions(LM), Rapports d'activités ANCI » in-quantifiable ! Les experts internationaux utilisent plutôt le nombre de réunion, le nombre de personnes touchées, etc. comme si cela traduisait une réalisation d’objectifs. 

Des plans « i) le plan de création d'emplois, ii) le plan d'investissement quinquennal et iii) le plan national de formation et de renforcement des capacités » sont annexés au PDI. Celui sur la création d’emplois suscita une réaction cinglante d’un ancien président d’une organisation patronale. Il se demandait si M. Idaroussi, expert national en chef ,neveu du président Azali, et puissant Secrétaire Général du Gouvernement qui fait office de super premier ministre vit dans la même planète que les Comoriens.

Le PCE n’enlève en rien le caractère de l’émergence d’Azali : un slogan démagogique creux de la même veine que le projet Habitat de Sambi.

Au total aucune force politique comorienne ne s’est jusqu’ici dotée d’un véritable programme de développement enraciné dans la réalité concrète du pays. Créer un rassemblement sur une base politique claire est le défi que doit relever la nouvelle élite politique dont on attends l’émergence !

Idriss (20/10/2020)




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