L’article
d’Ali Moindjie préconisant l’élimination de la Maoraise KUEENA de Nyora, un
concours pour désigner l’étoile comorienne de l’année de la chanson a suscité
bien de réaction. Mon ami Ali Moindjie a fait une mauvaise appréciation en
considérant KUEENE comme séparatiste. « A quelque chose malheur est
bon » dit l’adage. Car son article semble avoir libéré la parole des « jeunes
comoriens (qui) s'en foutent un peu de la question de Mayotte »
(Bongo-city de Moroni) L’espoir voire le vœu est que l’on puisse échanger sur
la question de Maore avec le moins de passion possible.
Une
question de jeunes et de vieux
« C'est
toujours les 70 ans … » (Naki Amélia).
« … nos aînés doivent laisser cette histoire derrière eux. Mayotte n’est
plus Comorienne » (Oumouri
Mroivili Faznat).
Il est bon que
notre jeunesse s’éveille et s’exprime. Qu’elle formule des nouvelles idées.
Doit-elle pour autant rejeter à priori les avis des vieux. Ne faudrait-il pas
analyser, s’informer avant de statuer. Je crois qu’il convient de mettre le
passé au service du présent et du futur en en tirant tous les enseignements.
Il est sûr que
ceux, qui comme moi, ont vécu le processus ayant conduit à l’indépendance et à
la séparation ressentent autrement les choses que ceux qui n’ont connu que la
séparation. Reste que pour avoir une opinion fondée il faut aller au fond des
choses. Je voudrais y contribuer dans les lignes qui suivent.
Une
question des choix des Maorais
« Les
Maorais ont fait leur choix » (AbdoulMadjid Abdou).
Encore faut-il
se convaincre de ce choix. En décembre 1974, lors de la Consultation sur
l’indépendance, les résultats à Maore plus de 60% pour rester français mais
dans l’ensemble du pays plus de 95% de oui à l’indépendance. En principe le
scrutin était national, pas régional.
On sait
comment se déroulent les élections chez nous. La position maoraise consacre sans
aucun doute le choix de la France de conserver Maore en s’appuyant sur le
Mouvement Populaire Maorais (MPM). De la même façon que le triomphe du Oui à l’indépendance
dans les autres îles traduisait d’une certaine façon le poids du parti Udzima
de l’époque, même si l’on ne doit pas nier l’aspiration à l’indépendance du
pays suite à l’activité du MOLINACO-PASOCO.
Quelques temps
plus tard, début 1976, nouvelle consultation à Maore ; plus de 95% de oui
à la France. Pour assurer les résultats, nombre de Maorais, partisans de
l’indépendance, furent chassés de Maore via des boutres par les légionnaires
français appuyant les « sorodats » du MPM.
On pourrait
considérer que c’est de l’histoire ancienne. D’autant qu’on nous assure qu’aujourd’hui
les Maorais ont pratiquement tous opté pour la France. Mais ce n’est que de la
propagande. Bien sûr on n’entend que les départementalistes, C’est Mansour
Kamardine, Estelle Youssoufa etc qui tiennent le haut du pavé. Les partisans de
l’unité du pays sont étouffés, réprimés, etc.
Il n’en reste
pas moins que des voix se lèvent contre la pensée unique départementaliste. Des
chanteurs, des écrivains, des sportifs interrogent les faits, dénoncent la
séparation et les mauvais traitements réservés aux « clandestins ».
Autre
phénomène significatif à Maore : la revendication identitaire, culturelle.
Enfin la
réalité montre de plus en plus clairement que la départementalisation n’a pas
tout réglé, loin de là. Le bouc émissaire comorien ne peut pas cacher la
pauvreté, le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, le
chômage, le quartier 100 villas qui confine à l’apartheid.
« Last
but not least » peut-on laisser faire des colonialistes qui viendraient s’emparer
d’une île, organiser des élections frauduleuses et annexer l’île avec l’approbation
des habitants de l’île ! Doit-on laisser le séparatisme anéantir notre
pays ? Ce n’est pas une simple question
Une
question politique
« Écouter
laisser nous tranquille avec ces question politique » (Abdoul Anziz
Abdou). La question n’est pas que politique mais elle l’est
assurément. Un des problèmes de notre temps est le désintérêt de la politique
chez les jeunes. Ce n’est pas un hasard.
Tout se
tranche sur le terrain politique, en particulier la lutte contre la domination
du pays en s’appuyant sur des pouvoirs antidémocratiques que l’on met en place.
Si on parvient à éloigner la jeunesse de ce terrain c’est l’assurance de
continuer à exploiter nos pays en paix. C’est clair chez nous. On aiguille
astucieusement la partie la plus dynamique de la jeunesse vers la société
civile, vers l’action culturelle, les actions dans les quartiers, etc. Et ceux
qui dirigent ont les coudées franches. Imaginer NGOSHAO, une des organisations
de jeunesse du pays les plus avancées, observatrice d’élections présidentielles
du pays, Un non-sens puisque c’est le destin de la jeunesse qui est en jeu !?
Eh bien c’est ce qui s’est produit en 2016.
A lire les
nombreux commentaires on s’aperçoit de la méconnaissance de la question. Du faible
niveau de conscience politique. C’est un drame pour notre pays. Voilà plus de
20 ans qu’aucune organisation politique n’incarne les aspirations de notre
peuple. Les luttes pour le droit du peuple ont disparu, on subit des dictatures
passivement et les conditions de vie se dégradent. Et aucune lueur à l’horizon
en dehors du sauve-qui-peut vers l’émigration !
En lisant vos
commentaires mon cœur saigne car je mesure le peu d’impact de la lutte que nous
avons mené pour préserver l’unité du pays, pour la démocratie et le progrès
social.
Les aspects
économiques
La misère dans
la partie indépendante provient pour une grande part de la séparation de
Mayotte. La France mise sur l’écart de niveau de vie entre Maore et les autres
îles pour pérenniser sa domination sur tout l’Archipel. Et oui la question de
Maore est avant tout économique. La politique française vise à préserver voire approfondir
le fossé qui sépare Maore des autres îles et cela, habilement, sous couvert
d’aide et de coopération. C’est un puissant obstacle car nos dirigeants sont sa
coupe, servent sa politique !
En tout cas personne
ne demande à Maore de nous rejoindre dans la misère, la dictature et tous les
maux que nous subissons. La proposition qu’avait avancé le Comité Maore
préconise une période transitoire durant laquelle on envisagerait une mise à
niveau des parties du pays, une réconciliation des cœurs, etc.
Enfin l’on
doit observer que même si le niveau de vie à Maore est meilleur que dans la
partie indépendante, les masses à Maore connaissent des conditions d’existence
qui les poussent, elles aussi à émigrer pour des meilleures conditions de vie. L’émigration
d’une île vers une autre, du pays vers l’étranger, voilà le sort de notre pays,
de la jeunesse en premier lieu. Personne ne peut le contester !
La question
de Mayotte
La question de
Mayotte relève d’une décolonisation inachevée. La capitulation des autorités
comoriennes a permis à la France de réaliser sans frais, sa décision d’annexer
Maore. Très peu de jeunes connaissent l’histoire du pays, en particulier le
processus de balkanisation. Alors la jeunesse s’en tient à un état de fait qui
lui paraît plus ou moins naturel.
Dégoûté par
nos politiciens, notre jeunesse va-t-elle capituler ou imaginer des nouvelles
formes de retrouvailles, voire s’éveiller au combat pour la renaissance de
notre pays, tourner le dos à un demi-siècle de tourments, de misère, de
domination, etc.
Je crois et
j’espère que c’est ce qui se dessine. Le foot, la culture, et tout ce qui
permettra de tisser des liens entre TOUTES les îles pas seulement entre Maore et
les autres.
L’ouverture
que l’on a sentie autour de NYORA est de bon augure. De même que la volonté de
frayer des nouvelles voies au pays.
La question de
Maore est une question nationale. Elle n’a rien à voir avec la mode. Ce sont
certainement la manière d’aborder la question, de lutter qui devront s’adapter
à l’époque. Mais le mot d’ordre « MAYOTTE EST COMORIENNE ET LE RESTERA A
JAMAIS » reste d’actualité et le restera tant que l’unité ne sera pas
réalisée.
Idriss (02/12/2021)
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